Bonjour Luc Mary, pourrais-tu te présenter pour nos lecteurs ne te connaissant pas encore ?
Des gens qui ne me connaissent pas, çà existe ? Non, je plaisante. Je suis en fait un électron libre de la littérature. Né en 1959, j’ai poursuivi conjointement des études d’histoire et de physique avant d’embrasser une carrière de professeur puis de chroniqueur pour des hebdos en mal de sensations fortes. Initialement, je suis un spécialiste de l’Antiquité gréco-romaine comme en témoigne mon dernier livre sur le carthaginois Hannibal ou encore mon étude sur l’incroyable épilogue de la bataille des Thermopyles, une tragédie grecque mise en lumière par le film 300.
Quoiqu’il en soit, mon parcours n’est pas classique. J’ai commencé ma carrière d’écrivain dès l’âge de 21 ans, un petit ouvrage sur les OVNI où je prétendais que s’ils existent, ces engins viennent tout droit de notre futur ! Au cours des années 90, j’ai collaboré avec Paris Match puis VSD pour couvrir des grandes premières spatiales à l’exemple des exploits du robot Sojourner sur Mars ou encore de la comète Shoemaker Levy entrant en collision avec la planète Jupiter.
A compter des années 2000, je suis revenu explorer le passé en publiant des biographies du style Vauban ou Mary Stuart ou en m’intéressant à certains grands tournants de l’Histoire tels les assassinats politiques, les erreurs militaires ou encore les grandes batailles de notre histoire. 22 livres au total. D’une manière générale, c’est toute l’histoire de l’Homme mais aussi celle de la Terre et de l’Univers qui m’interpelle.
Tu écris beaucoup de livres historiques sur bon nombre de sujets et d’époques. Tu es un passionné d’histoire ?
Passionné d’histoire ? C’est une certitude, parce ce que je suis passionné par la vie en général et l’homme en particulier. Je vais peut-être répondre des banalités mais l’histoire est un grand feuilleton dont on ne connaît pas la fin. Une aventure écrite par plus de cent milliards d’êtres humains puisque c’est le nombre estimé d’hommes ayant vécu sur notre bonne vieille Terre depuis plus de cinq millions d’années. Ce qui m’intéresse dans la Grande Histoire, c’est qu’elle brasse tous les domaines de la connaissance, de la politique à la biologie en passant par la sociologie, l’astronomie, l’exploration des mers, l’architecture et même l’eschatologie… Quand on arpente les grands couloirs du temps, on ne s’ennuie jamais.
Les sujets sont illimités, aussi puis-je facilement passer de la construction des cathédrales gothiques aux forteresses de Vauban en passant par la déroute des légions romaines dans las forêts de Germanie et la fin tragique des Romanov à Ekaterinbourg. En bref, l’Histoire, c’est mon poumon et ma raison de vivre. Pour parfaire le tout, c’est aussi un merveilleux tremplin pour explorer l’avenir et inventé d’autres modèles d’univers…
Ton livre « les machines à explorer le temps » n’est pas à la limite des connaissances humaines sur le sujet ? N’affirmes-tu pas des thèses scientifiques qui pourraient être contestées d’ici quelques années ?
Rien de ce que j’affirme ou avance dans ce livre n’est inventé. En tant qu’historien te dirais-je, je ne peux que m’intéresser à la grande roue du temps et surtout me pencher sur le phénomène de son irréversibilité. Quel historien ne rêverait pas d’assister à la première traversée de l’Atlantique par Christophe Colomb ou aimerait se promener dans les rues de l’antique Carthage ? Et voici que la mécanique quantique et la Relativité nous apprennent que le passé existe encore et que le futur existe déjà. Encore une défaite du bon sens. Ce même bon sens qui faisait tourner le Soleil autour de la Terre et prétendait qu’un vol plus lourd que l’air était impossible.
En bref, toute l’histoire des sciences physiques consacre la défaite de la logique du sens commun. Dans ce livre qui dépasse le cadre de la simple étude historique, j’évoque notamment le cas des fameux trous noirs, ces cadavres d’étoiles d’une densité telle qu’ils courbent l’espace et déforment le temps. Imaginez ainsi un astre de la taille d’une orange qui excéderait trois fois la masse de notre planète. De telles étrangetés de la nature seraient pourtant pléthore dans notre Galaxie. Nier aujourd’hui leur existence remettrait complètement en question les fondements même de notre physique.
En 1968, nous avons découvert les pulsars, à savoir des astres hyper-compactes issus eux aussi issus de la contraction d’anciennes étoiles. Leurs caractéristiques physiques ne sont pas très éloignées de celles des trous noirs. En vérité, je vous le dis, l’Univers a plus d’imagination que les hommes. Et je suis convaincu que notre histoire future est complètement inscrite dans l’exploration de l’espace. « La Terre n’est que le berceau de l’Humanité disait le scientifique russe Constantin Tsiolkovski, et nous ne pouvons rester éternellement dans un berceau ».
Concernant ton livre sur les uchronies, « Et si Napoléon avait triomphé à Waterloo ? » l’as-tu écris pour exorciser une frustration due à certaines tournures très négatives prises par l’Histoire de France ? Penses-tu que la France a manqué son destin de superpuissance ?
Frustration ? Le mot est trop fort voire inexact. Non, il s’agit tout au plus d’un exercice ludique tendant à démontrer que l’Histoire n’est pas une science exacte. En bref, rien n’est jamais écrit et le scénario réalisé n’est pas forcément le plus probable. Bien au contraire, l’Histoire adore les surprises et les pieds de nez à la logique. En toute vraisemblance, Jean le Bon aurait dû vaincre les Anglais à Poitiers, la Wehrmacht écraser l’Armée rouge et François 1er perdre à Marignan. Mais le destin a choisi une autre voie. On apprend aussi que les mêmes causes ne débouchent pas nécessairement sur les mêmes effets.
Quant à dire que la France a raté sa vocation de superpuissance, il s’agit là d’un jugement hâtif mon cher Laurent, car la France a eu son heure de gloire, une heure de gloire qui a même duré près de trois siècles, de Louis XIII à Clemenceau, jusqu’à la défaite inattendue de 1940. Reste à savoir comment elle aurait pu éviter cette déroute et arrêter le rouleau compresseur nazi, c’est là tout l’objet de cette histoire simulée. Avec l’uchronie, à savoir l’utopie temporelle, on explore l’Histoire telle qu’elle aurait pû ou dû se produire, c’est une fiction alternative qui rejoint mon grand dada du voyage dans le temps : peut-on mais aussi doit-on modifier le passé ? En empêchant le naufrage du Titanic, vous sauvez 1500 passagers de la mort, mais parmi eux se trouvait peut-être un futur dictateur pire qu’Hitler. En bref, il ne faut toucher à rien car le remède pourrait être pire que le mal !
Concernant ton livre sur « les décisions les plus absurdes de l’Histoire », quelle est à tes yeux la décision la plus absurde de l’Histoire de France ?
L’idée de ce livre est d’abord la suivante, notre grande histoire s’est nourrie des erreurs et des bévues de nos aïeux. Quel que soient les époques ou les pays, l’absurdité est la chose la mieux partagée de notre histoire. Une absurdité souvent fille de l’arrogance et de l’ignorance. Et nos grands hommes ne demeurent pas en reste, à l’image de Louis XIV ayant révoqué l’édit de Nantes ou encore de Napoléon affirmant péremptoirement , en parlant de l’Espagne, qu’on ne peut craindre un pays défendu par des moines l Résultat, en expulsant les Protestants de notre royaume, Louis XIV a posé les premières briques de la future grande Prusse et Napoléon a transformé la péninsule ibérique en tombeau de l’armée impériale.
On me dira, bien sûr, nous jugeons ces évènements à travers le prisme du XXI ème siècle. Mais justement ave c le recul du temps, les erreurs commises n’en paraissent que plus dramatiques. Concernant notre seule France, l’une des décisions les plus catastrophiques est paradoxalement le fruit d’une absence de décision ! En d’autres termes, je veux parler de la réaction du gouvernement français à l’annexion de la Rhénanie par Hitler. Ainsi, au nom du pacifisme, la France reste l’arme au pied. Un pacifisme synonyme de passivité et que les Allemands ont su exploité jusqu’au début de la Guerre.
Ton livre sur Hannibal te tenait très à cœur. Pourquoi ce personnage historique te passionne-t-il tant ?
Hannibal, attention ne confondez pas avec le Hannibal lecter, je parle du vrai, de l’unique grand conquérant, un guerrier à l’image de Jules César ou d’Alexandre le Grand, Hannibal Barca, l’homme qui a fait trembler Rome. Ce qui m’intéresse chez Hannibal, c’est la dimension épique, l’histoire d’un héros de l’Antiquité qui n’a pas pu réaliser ses rêves. Un génie qui a commis beaucoup d’erreurs, c’est en cela qu’Hannibal est intéressant. ¨Par ses exploits mais aussi par ses failles. Il a vécu il y a 23 siècles et tout le monde a entendu parler de lui sans savoir au juste ce qu’il a réalisé. Son destin se confond complètement avec la Seconde Guerre Punique. D’aucuns connaissent sa traversée des Alpes à la tête d’une armée de 40 000 hommes et d’une quarantaine d’éléphants.
Puis le héros des Alpes terrasse à quatre reprises les Romains sur leur propre sol sans parvenir à les anéantir. C’est ici que son histoire devient intéressante ; Comment cet homme de génie n’a-t-il pas pu ouvrir la dernière porte, à savoir comment a-t-il réussi à ne pas entrer dans Rome ? Pendant plus de dix ans, Hannibal va ainsi rester prisonnier de ses propres conquêtes. Finalement, le fils d’Hamilcar reviendra sur les terres africaines, mais pour mieux être battu par son alter ego, je veux parler de Scipion l’africain.
La fin d’Hannibal est tout aussi épique. De héros, l’homme devient un paria puis un fugitif. Finalement, l’un des hommes les plus légendaires de l’Antiquité meurt suicidé à l’âge de 64 ans, dans l’actuelle Turquie ? Quant à Carthage, elle ne survit qu’une quarantaine d’années à son héros. L’autre intérêt dans l’étude d’Hannibal est la mise en lumière des raisons pour lesquelles Rome a dominé le Monde. Paradoxalement, Hannibal a contribué malgré lui à la naissance de la puissance de Rome.
Quels sont tes futurs projets littéraires ?
Ma prochaine parution est prévue pour le mois de septembre 2013., Elle porte sur les principaux sièges des villes qui ont marqué notre longue histoire. De Syracuse à Leningrad en passant par Constantinople, Vienne et Paris, les sièges ont toujours été des moments clés de notre histoire, des instants dramatiques où les populations civiles participent à la Grande histoire autant sinon plus que les militaires.
D’une façon générale, ces évènements hors normes se concluent presque toujours par la victoire des assiégeants, mais il arrive aussi que certains assiégés réussissent à desserrer l’étau ennemi et à mettre en déroute les envahisseurs grâce à l’arrivée d’une nouvelle armée de libération. C’est notamment le cas du siège de Vienne. En 1683, la cavalerie polonaise de Jean III Sobieski sauve ainsi les Chrétiens d’une extermination programmée par les Turcs. Les viennoiseries en forme de croissant témoignent de cet épilogue heureux du siège de Vienne…
A quand le premier roman ?
Pas avant 2015 mais j’en tais pour l’instant le thème et l’intrigue. Tout ce que je peux te révéler, cher Laurent, c’est qu’il s’agira d’un thriller à la fois historique et futuriste, mélangeant allègrement la religion, la guerre et la science. Ne t’effraie pas, il sera facile à lire et l’action et le suspense l’emporteront sur la réflexion philosophique ou les passages trop techniques.
Ton mot de la fin pour les lecteurs de Star medias.fr ?
Vous avez certes l’habitude d’interviewer des gens qui sont dans les lumières des caméras, que l’on voit sur le petit et sur le grand écran ; moi je ne suis qu’un homme de l’ombre qui parle des lumières des siècles passés. Pour jouer le philosophe à deux balles, je dirais qu’il faut regarder le passé pour savoir que tout est éphémère. D’une certaine manière, j’ai un pied dans le passé et un autre dans le futur, c’est ma seule façon de marcher droit. Merci cher Laurent de m’avoir accordé cet interview…hors du temps.
Propos recueillis par Laurent Amar
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