Pourriez-vous nous rappeler comment vous est venue l’idée de relancer la tradition des grands bals costumés au travers du Bal de la Baronne Béatrice ?
Bonjour cher Laurent, J’ai eu la chance de côtoyer la descendante du Comte Etienne de Beaumont qui fût l’un des derniers Maître d’œuvre de ces Grands Bals Costumés qui firent la richesse de la Haute Aristocratie Française de la fin du XIX° siècle et du début du XX° siècle. Ces bals étaient souvent mis en scène par des artistes de renom comme Jean Cocteau ou des couturiers comme Paul Poiret, qui était le Jean-Paul Gaultier de son époque. J’ai été séduite par la créativité incontestable de ces soirées où luxe rimait avec fantaisie, sens artistique et souci du détail.
Ces bals déplaçaient de toute l’Europe, Princes, aristocrates et notables en tous genres. Mon amie m’a permis de feuilleter les albums photos de ces soirées splendides et décalées, que sa famille conserve précieusement. Ces photos reflétaient une atmosphère très éloignée de l’idée que l’on se fait de la Haute Aristocratie d’alors, visiblement suffisamment sûre de son statut social pour s’autoriser l’autodérision en toute décontraction. Ces personnages, qui font aujourd’hui l’Histoire, réussissaient à imposer leur superbe dans des accoutrements aussi surprenants qu’un costume de Paon !… Et visiblement, ils s’amusaient beaucoup !
J’ai eu envie de faire partager à nos contemporains cette page quelque peu oubliée de notre culture et les inviter à retrouver ce sens du chic un brin polisson et fantasque, tout en restant élégant. Le cadre de la Villa Ephrussi de Rothschild où la Baronne Béatrice de Rothschild, elle-même, organisait nombre de ces soirées, dans un savant mélange entre personnalités et artistes, s’est imposé comme le lieu idéal pour faire revivre ce sens de la fête qui fait partie de notre patrimoine.
Comment choisissez-vous les thèmes pour cet événement ?
En 2016, j’avais souhaité replacer ces soirées dans leur époque, puisque l’apogée de ces Grands Bals correspond à la Belle Époque (1870/1914). Il y en a eu avant et ils perdurèrent jusque dans les années 50. Le Comte de Beaumont fît son dernier bal en 1949, lors duquel Christian Dior apparût habillé en Lion, pour représenter « Le roi de la Jungle » puisque, cette année là, le thème du Bal était « Les Rois et les Reines ».
Pour autant, les bals costumés les plus emblématiques datent de la Belle Époque.
Période qui fût aussi fondatrice dans la notoriété de la Côte d’Azur, avec l’arrivée massive des grands mondains internationaux qui permirent à la Riviera de développer la plupart des infrastructures qui font toujours sa renommée. J’avais envie de raconter cette histoire et de faire un thème « facile », pour cette première édition qui avait impérativement besoin d’être comprise.
Forte du succès de ce premier opus, je me suis autorisée à être plus créative dans le thème de cette année 2017, pour retrouver la vraie saveur de ce que furent ces bals, tout en restant dans cette même époque puisque nous parlons, cette année, des engouements de la haute société d’alors.
Pourquoi vous avez choisi l’orientalisme et le japonisme comme thème de la deuxième édition du Bal ?
L’orientalisme et le japonisme, nous l’oublions aujourd’hui, sont au-delà de simples modes, des mouvements artistiques majeurs qui permirent à l’art occidental de trouver un nouvel élan pratiquement dans tous les domaines de création ; la peinture, l’illustration, la mode, la littérature, le théâtre, la musique, la danse, l’art & craft, l’architecture, etc., pratiquement tous les grands courants artistiques depuis l’impressionnisme à l’Art Nouveau en passant par l’Art Déco sont tous issus de ces courants.
Notre société occidentale dans son ensemble a évoluée grâce à l’engouement pour l’orientalisme et le japonisme. En outre, la grande mode des bals costumés de la Belle Époque était d’organiser des Bals Persans. Le plus célèbre d’entre eux « le Bal de la Mille et deuxième nuit » organisé par la Marquise de Chabrillan, qui en confia la direction artistique au Couturier Paul Poiret, date de 1910. Il m’a donc paru pertinent de proposer de revivre en 2017 un véritable bal costumé d’alors, avec un thème offrant la possibilité de revisiter cet esprit fantasque et gai, au travers des couleurs de l’orient fantasmé de cette époque. Nous évoluerons chaque année dans les thèmes pour parler d’une page de notre histoire, de notre patrimoine.
Et ce, de manière décalée, surprenante… et malgré tout tendance. Car, en tant que « Fille de mode » puisque j’ai longtemps évolué dans le monde de la mode, je me rends compte que les thèmes qui m’inspirent à un moment précis, font souvent échos aux tendances mode. Si vous regardez les collections présentées cette année, nombre d’entre elles font preuve d’influences japonistes et orientalistes.
Combien de temps à l’avance préparez-vous les thèmes… Peut-on déjà avoir une idée de ce que vous préparez pour 2018 ?
J’écoute beaucoup ma « petite voix intérieure » pour définir les thèmes d’une année sur l’autre.. Un peu comme pour le cycle des tendances de mode ; une idée appelle la suivante… Pour l’heure, je souhaite rester dans les engouements majeurs de cette Haute-Société de la Belle Époque, qui était curieuse de tout et très juste et cultivée dans sa façon d’exprimer ses enthousiasmes. C’est vrai que l’économie faste de cette période historique autorisait les extravagances les plus folles .
Il faut savoir aussi que la fin du XIXème siècle et le début du XXème siècle sont des périodes très prospères dans le monde de l’édition, ce qui a permit aux gens de découvrir ou redécouvrir la pensée des philosophes et des libertins du « Siècle des Lumières ».
En outre, la Bourgeoisie de l’époque appréciait d’asseoir son statut social par une décoration XVIIIème siècle. J’ai donc souhaité placer l’année 2018 dans la légèreté du thème des « Fêtes Galantes », mouvement pictural brossant la fraîcheur et la liberté de mœurs de son temps initié par des peintres comme Fragonard, Watteau, Boucher et d’autres sous le règne de Louis XV. Les thèmes du bal sont arrêtés 18 mois à l’avance car il faut une bonne année de travail pour construire la cohérence programmatique du Bal et l’ensemble des expositions qui marquent notre « Saison Artistique Estivale » en vue de remplir notre mission culturelle au travers d’un exposé complet sur le thème choisi.
Qui sont les invités du bal ?
Bien sûr, nous sommes dans un événement qui n’est pas ouvert à tous. Par sa richesse programmatique, avec des haltes qui mènent nos invités dans des mises en scène, des spectacles, un dîner où le Chef Joannès du Fairmont Monte-Carlo réfléchit des mois durant pour offrir aux papilles un menu surprenant qui colle au thème, le lieu exceptionnel… tout ceci fait que cet événement s’adresse à une élite sociale.
Nous recevons bien sûr des résidents Monégasques, des personnes qui ont des propriétés sur la Côte d’Azur mais nous avons aussi beaucoup de convives qui viennent de loin pour assister à l’événement, de toute l’Europe mais étonnamment nous avons aussi le plaisir de recevoir quelques convives qui se déplacent de New-York et de Boston pour être parmi nous ! Ce qui est très séduisant lors de cette soirée, c’est de constater l’échange très spontané qui s’est créé entre les générations, nous avons parmi nos invités quelques Grands Aristocrates sexagénaires, heureux de retrouver une idée du bal qui leur est familière pour avoir vu leurs parents s’y préparer et qui ont, très naturellement, tendu la main aux plus jeunes en leur disant « A nous de vous montrer comment on s’amuse !»… Et les jeunes ont adoré car tout est là… l’idée est de s’amuser !
Parlez-nous de l’association AIDA, quel est son but ? Quelles sont les activités organisées par AIDA (à part le Bal de la Baronne Béatrice) ?
L’association AIDA a été fondé il y 2 ans, au travers d’un constat simple qui est que l’échange entre les cultures peut favoriser l’harmonie dans le monde. L’art et la culture sont des éléments essentiels pour comprendre et analyser le monde dans lequel nous vivons. Que l’on soit businessman, scientifique, politicien, artiste ou simple humain aspirant à une vie harmonieuse, nos prises de décisions, notre compréhension de ce qui nous entoure sont déterminés par notre savoir et notre sensibilité à capter l’autre.
L’Art et la Culture sont des clefs mais celles-ci sont trop souvent présentées de manière académique ou dans une forme d’opacité qui les rendent rébarbatives. Nous souhaitons partager nos enthousiasmes et comme pour ma part, je resterai certainement à vie « une sale gosse » qui s’ennuie facilement, je m’attèle à présenter mes enthousiasmes artistiques de manière ludique.
Comme nos moyens associatifs sont encore limités, nous tachons de construire une saison artistique autour d’un thème où nous alternons, en fonction de nos possibilités, événements publiques, gratuits et ouverts à tous et soirées privées comme Le Bal de la Baronne Béatrice qui est le point d’orgue de nos saisons artistiques…. Au travers de chacune de nos manifestations de nos saisons culturelles, nous tâchons de présenter un exposé complet du thème choisi.
Pensez-vous rester sur ce format actuel où vous vous concentrez sur une saison artistique estivale riche ou souhaitez-vous évoluer ?
Nous souhaitons évoluer pour proposer encore plus d’événements que les 3 ou 4 manifestations annuelles que nous produisons dans le cadre de ces Saisons artistiques. Nous garderons cette thématique de la « Saison artistique » comme Grands événements estivaux mais nous aimerions proposer tout au long de l’année des Arthéma Nights, sorte de soirées Happening très conviviales animées par des artistes internationaux de passage.
Des soirées peu coûteuses, qui s’adressent donc à un public plus large mais qui resteraient à dimensions humaine avec un nombre de participants limité.
En fait, nous avons plein d’idées pour faire aimer l’art et la culture… Nous ne souhaitons pas oublier les jeunes qui, bien sûr, représentent pour nous une cible importante et parfois difficile à séduire ! Pour autant tout dépend des adhérents, mécènes et soutiens que nous aurons la chance de fédérer autour de nos idées. Encore une fois, nous sommes une toute jeune association !
Plus d’informations sur le site de l’association Aida : www.aidamonaco.com
Propos recueillis par Laurent Amar
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