Neuf ans, il aura fallu neuf longues années au génial développeur japonais Fumito Ueda pour nous offrir sa création la plus riche. Cette richesse ne vient pas seulement du scénario, d’une sensibilité et d’une subtilité rarissimes dans le monde du cinéma ou de la télévision, mais également d’une technologie qui pousse la PlayStation 4 dans ses derniers retranchements, y compris pour sa version « Pro ».
C’est d’ailleurs sur cette dernière que nous avons testé la nouvelle production du célèbre studio First Party de Sony, Team Ico, avec comme maître d’œuvre celui de « Ico » et de « Shadow of the Colossus ».
Le pitch de « The Last Guardian » est très simple et pourtant…
Un jeune garçon et une immense créature, Trico, à la fois chat, chien et souris, se retrouvent enfermés dans une caverne sombre et humide. Ils ne se connaissent pas, le garçon n’a aucune idée de ce qu’il fait ici, en présence de cet étrange animal. Cependant, il remarque de graves blessures sous les plumes de son corps, témoins d’un combat et d’une capture cruels.
Le garçon, c’est-à-dire vous, apprendra à apprivoiser cette bête géante, à devenir son ami et à s’enfuir avec elle de cette forteresse isolée.
Dès le début du jeu, on remarque la patte de Fumito Ueda, un environnement dénué de toute activité humaine, majestueux par sa taille et doté d’une nature omniprésente.
Comme pour « Ico » et « Yorda », le joueur ressent ici une véritable empathie vis-à-vis de son compagnon à plumes, il souffre réellement lorsque Trico se fait attaquer par les automates voulant, coûte que coûte, le retenir dans la forteresse.
On se prend d’affection pour Trico comme on le ferait pour un chiot ou un chaton : quand il est fatigué ou affamé, on se dépêche d’aller lui chercher de la nourriture ; quand il est criblé de lances, on se hâte de les lui retirer et ses cris de douleur nous déchirent le cœur.
Concernant l’immersion dans l’aventure, « The Last Guardian » relève du chef-d’œuvre.
Les graphismes sont superbes et l’animation de Trico bluffante.
Il faut voir la créature sauter d’un pont à l’autre, avec le garçon sur son dos, traversant ainsi d’immenses précipices. Cette cité abandonnée de laquelle nos deux héros doivent s’échapper n’a pour compagnie que le sifflement du vent, témoin d’une civilisation disparue, mais avec, en toile de fond, une nature ayant repris ses droits.
Les jeux de lumière sont très réussis et le soft ne souffre d’aucun bug, mis à part quelques problèmes de caméra. En effet, cette dernière est difficile à manier, avec un temps de latence entre le moment où vous tournez la molette du paddle et celui où celle-ci réagit.
De plus, elle a du mal à se positionner correctement en fonction de la place qu’occupent Trico et votre personnage, le garçon, à l’écran. Cependant, l’animal géant ne réagit pas bêtement à vos instructions, tel un classique avatar de jeu vidéo. Non, les concepteurs lui ont donné une intelligence artificielle qu’il vous faudra comprendre et apprivoiser, comme avec un être vivant. Et c’est parfois un peu frustrant de ne pas voir Trico réagir comme vous le souhaiteriez. Il est capricieux et pour lui faire effectuer un simple saut, il faudra vous y reprendre à deux fois.
Malgré tout, ces menusproblèmes s’effacent rapidement devant la beauté immuable des décors et la puissance scénaristique qui se dégagent de cette aventure vidéo-ludique pas tout à fait comme les autres.
On comprend alors que la conception de « The Last Guardian » ait pris autant de temps. Annoncé depuis 2006 sur PlayStation 3, maintes fois repoussé, le jeu a finalement basculé sur PlayStation 4, avec, entre temps, un renoncement de Ueda et une démission de Sony Entertainment.
Nous saurons, des années plus tard, la raison d’une gestation aussi longue et compliquée.
La PS3 n’avait pas la puissance nécessaire pour donner vie aux rêves de Fumito Ueda. Les animations de Trico sont très gourmandes en ressources, qu’il s’agisse de ses plumes en mouvement ou du déplacement de son corps dans un environnement à la profondeur de champ impressionnante. La grande sœur de la PS4 aurait peiné à gérer tout cela. Ueda s’en est aperçu apparemment trop tard. Les pontes de Sony lui auraient donc demandé soit d’annuler le jeu, soit de le reporter jusqu’à la sortie de la PlayStation 4 et accessoirement de la PS4 Pro, console la plus puissante de tous les temps. Fort heureusement, Ueda a choisi la deuxième option.
Plus incroyable, il s’est excusé du retard de « The Last Guardian » auprès des fans, dans une lettre rendue publique. Son humilité, unanimement saluée, est hautement estimable.
En conclusion, nous vous recommandons de ne pas passer à côté de ce jeu en marge de la production vidéo-ludique actuelle. Entre enchantement, mélancolie et poésie, « The Last Guardian » vous conduira dans un monde étrange, en compagnie d’un animal légendaire, puissant et inoubliable.
Note de la rédaction : 17/20
Éditeur : Sony
Disponibilité : déjà dans les bacs
Prix public : environ 59 euros
Plate-forme : exclusivement sur PS4 et PS4 Pro
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