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Interview exclusive de Mathieu Manent, directeur éditorial et co-auteur de: “Anthologie Playstation”.

Mathieu Manent
Mathieu Manent

Bonjour Mathieu Manent, pouvons-nous dire que la Playstation a révolutionné l’industrie du jeu vidéo ?

Bonjour Laurent. Oui, c’est une évidence, pour plusieurs raisons. D’abord parce qu’il s’agit d’un nouveau rival pour Sega et Nintendo, les deux constructeurs principaux depuis 1985 au Japon. Ensuite parce que la PlayStation est synonyme de nouvelle technologie : entre la 3D texturée, le CD et la technologie 32 bits, le fossé avec la génération de consoles précédente (SNES/MegaDrive) était assez impressionnant.

De plus elle a permis à de nombreux artistes de concrétiser leur vision du jeu vidéo sans être bridés par les limites technologiques des consoles à cartouche. Enfin, elle a réellement ouvert le jeu vidéo au grand public, en attirant de nouveaux types de joueurs, rassemblant ainsi enfants, ados (son cœur de cible) et jeunes adultes. Et puis surtout, elle a propulsé Sony comme nouveau leader de l’industrie, là où bien d’autres se sont cassé les dents (la CD-i, la 3DO, la Jaguar d’Atari, l’Amiga CD32…) !

Le cas Final Fantasy VII est sans doute l’une des anecdotes les plus passionnantes et intrigantes de cette industrie, pourriez-vous rappeler à nos lecteurs ce qu’il s’est réellement passé entre Nintendo et Squaresoft à l’époque ?

C’est simple. Jusqu’en 1994, Final Fantasy était une série exclusive aux consoles Nintendo mais pour cette nouvelle génération de machines, Squaresoft, qui décide logiquement d’évoluer avec les nouvelles technologies, se trouve confronté à un dilemme. Entre Nintendo qui doit proposer une console puissante mais bridée par son port cartouche en plus d’être retardée (au Japon, la N64 est sortie en avril 1996 et la PlayStation en décembre 1994 !) et Sony qui permettait aux développeurs de ne plus se soucier de l’espace de stockage des données tout en proposant des cinématiques en images de synthèse, l’entreprise a tranché en faveur de Sony.

Prévu à l’origine sur Super Nintendo, puis pressenti pour une sortie sur N64, Final Fantasy VII fut finalement annoncé exclusivement sur PlayStation, provoquant la colère du charismatique PDG de Nintendo de l’époque, Hiroshi Yamauchi. C’est le début d’un conflit entre Nintendo et Squaresoft, qui a duré jusqu’en 2002, année durant laquelle Satoru Iwata a succédé à M. Yamauchi.

Tomb Raider 1: à gauche sur Playstation, à droite sur Saturn.
Tomb Raider 1: à gauche sur Playstation, à droite sur Saturn.

Concernant la 3D et la puissance en général, le fossé était-il si important entre la Saturn et la Playstation 1 ?

Pas vraiment. Enfin une fois encore tout dépend des jeux mais d’une manière générale, la 3D était sensiblement la même, si ce n’est que la Saturn ne gérait pas la transparence et quelques effets d’ombre. Mais lorsqu’on regarde Tomb Raider ou Resident Evil sur l’une ou l’autre machine, difficile de dire à première vue sur quelle console le jeu fonctionne. En revanche, du point de vue des développeurs, la programmation était plus complexe sur Saturn lorsqu’il s’agissait de 3D, la technologie de la Saturn étant davantage conçue pour faciliter la programmation en 2D.

Ce qui est paradoxal, à une époque où la 3D temps réel devenait la norme ! D’ailleurs, c’est assez difficile à croire, mais même au niveau de la 3D texturée, la Saturn est théoriquement plus performante que la console de Sony ! Cette dernière affiche un maximum de 180.000 polygones par secondes, là où la Saturn peut en afficher jusqu’à 300.000.

Comment avez-vous fait pour réunir autant de jeux Playstation pour les chroniquer dans votre nouveau tome de la série “Anthologie” dédiée à la PS1 ?

Et bien contrairement à mon premier livre, Nintendo 64 Anthologie, je n’étais pas seul à écrire sur la PlayStation ! J’ai supervisé une petite équipe de rédacteurs talentueux et réellement passionnés, qui connaissaient parfaitement leur sujet et donc, à nous tous, nous possédions une quantité importante de jeux PlayStation.

Mais bien évidemment, avec plus de 4100 jeux existants sur PS1 (ce qui est colossal, la Nintendo 64, à titre de comparaison, en possède moins de 400), nous n’avions pas tous les titres sous la main. Fort heureusement, l’un de nos rédacteurs est fréquemment en contact avec Bryce Corp, l’un des plus importants collectionneurs de France. Il a d’ailleurs pu nous fournir de véritables raretés et nous a autorisé à photographier plusieurs pièces de sa collection, afin de les inclure dans notre ouvrage. Merci à lui !

Playstation Anthologie Collector Volume 1
Playstation Anthologie Collector Volume 1

Avez vous reçu le soutien de Sony France pour l’élaboration de Anthologie Playstation ?

Tout à fait, l’un des responsables de Sony nous a accordé une interview, et fourni de nombreux clichés officiels d’époque, destinés à promouvoir la console. Mais il n’y a pas que Sony ! Nous avons réussi à avoir de grands noms du jeu vidéo en interview, parmi lesquels Yuji Horii (Dragon Quest), Lorne Lanning (Oddworld), Charles Cecil (Les Chevaliers de Baphomet), des compositeurs, des créatifs, des programmeurs… Nous avons pu obtenir une dizaine d’interviews rien que pour le premier volume, et d’autres sont à venir !

Que pensez-vous des annonces PS4 au dernier E3 et comment imaginez-vous la Playstation 5 ?

C’était incroyable. De mémoire de joueur, je n’ai jamais vu ça dans un salon. Les trois jeux les plus réclamés sur console depuis des années (Shenmue III, The Last Guardian, et le remake de Final Fantasy VII) dévoilés en une seule conférence, c’était fou ! Du coup, la PlayStation 5 n’est pas prête d’arriver, la 4 a de beaux jours devant elle, avec ces futurs hits. Mais la PS5, je l’imagine “autrement”. Plus comme une console de jeu telle qu’on les connait, mais plutôt comme un hardware évolutif qui se rapprocherai davantage du PC… Je vois bien aussi Sony abandonner la numérotation de ses consoles et ne pas l’appeler “PlayStation 5”, pour marquer une rupture… Qui vivra verra.

Quels sont vos futurs projets Mathieu ?

Dans l’immédiat, boucler le volume 3 de l’Anthologie PlayStation ! Pour l’année prochaine, je pense faire une nouvelle anthologie dédiée à une machine de jeux… que je ne nommerai pas tout de suite, c’est encore top-secret ! Du côté de Geeks-Line, un ouvrage dédié à Yu Suzuki est en chantier, auquel je ne participe pas. Quant à moi, j’ai un tout autre projet plus personnel en cours, complètement à part. Je travaille depuis longtemps sur un roman, qui sera plutôt écrit à la manière d’un journal de bord, dans lequel un scientifique met sur papier ses états d’âme vis-à-vis des expériences secrètes qu’il mène dans les années 50. Rien à voir avec le jeu vidéo donc !

Votre mot de la fin pour nos lecteurs ?

J’espère que tous ceux qui ont eu la PlayStation à la fin des années 90 (et ils sont nombreux !) seront heureux de découvrir ou redécouvrir certains de ses titres les plus cultes dans l’Anthologie PlayStation. En ce qui me concerne, c’était un bonheur d’écrire sur le sujet, et j’espère que les lecteurs de Stars-media auront autant de plaisir à le lire !

Propos recueillis par Laurent Amar
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